Oxyrhynque, époque ptolémaïque, Musée Josèphe Jacquiot, Montgeron (Essonne)

49 Qu’est-ce qu’un Oxyrhynque ?

Bonjour à toutes et tous,

Voici la 49è des œuvres d’art que je vous propose chaque semaine.

Venons en aux faits :

Une statuette votive d’Oxyrhynque, en bronze, datant de l’époque ptolémaïque

Oxyrhynque, époque ptolémaïque, Musée Josèphe Jacquiot, Montgeron (Essonne)
Oxyrhynque, époque ptolémaïque, Musée Josèphe Jacquiot, Montgeron (Essonne), cliché Jean-François Martine

 

Provenance de la statuette exprimant l’Oxyrhynque

 Elle provient de la ville antique éponyme d’Oxyrhynchos Polis, ce qui en grec ancien signifie “ville du poisson à nez étroit”.
Ce nom remplace alors la dénomination égyptienne antique de Per-Medjed, qui, elle, se traduit par “Maison [du Dieu] Medjed”.
La ville était la capitale régionale de la 19è nome de Haute-Égypte, et connut un réel éclat sous la dynastie gréco-égyptienne, puis demeura un important foyer culturel, copte, jusqu’à l’arrivée de l’Islam..

Ce poisson au nez pointu est une expression du divin

Le poisson ainsi mis en exergue est de la famille des Mormyridés, dont le poisson éléphant constitue l’espèce la plus connue.
À l’instar de nombreuses autres statuettes votives le représentant, pour citer Jean-Claude Aime =
Il est juché sur un traîneau
Coiffé de la couronne Hathorique et de l’uræus,  
Son cou est gravé d’un collier ousekh
Ses nageoires sont finement ciselées,
Ses yeux incrustés de rondelles d’argent“.(1)

Le traîneau funéraire, et, donc, la statuette rituelle, était positionné tête à l’Ouest, direction du pays des morts (Le soleil couchant).

Ce poisson sacré est la représentation de plusieurs Déesses.
Les égyptiens nomment ces types de représentation actives ‘un netjer – une netjeret- ou des ‘netjerou’ / netjerout selon qu’ils ou elles sont lié(e)s à un un(e) -netjer ou netjeret- ou plusieurs -netjerou ou netjeret- Dieu(x) ou Déesse(s) . 
Notons en passant l’analogie avec la notion d’avatars de l’hindouisme.

Ici, cette netjerout apparaît représenter // être une manifestation de :
Hathor, personnification profonde de la Déesse mère dans ses fonctions de déesse de l’amour, de la Beauté, et de la Maternité
Thouéris, plus souvent représentée sous la forme d’une femelle hippopotame marchant comme un être humain, déesse rassurante propice pour les grosses et les accouchements, liée donc à la fertilité humaine 
Isis, plus encore que les deux autres déesses. Aussitôt prononcé ce nom tant de fois entendu, l’idée de “vaste sujet” traverse l’esprit, et brouille notre approche.
Son nom, en égyptien ancien, signifie “Trône“. 

Isis et Hathor sont demi-sœurs, toutes deux engendrées par Nout, déesse de la voûte céleste.
Quand Hathor est fille du dieu soleil (également appelé ), Isis, elle, a pour père le dieu de la Terre Geb.
Qui donc s’étonnera que cette Déesse, symbiose de la terre et du Ciel, fut favorables aux êtres humains, et bienveillantes pour l’accomplissement spirituel des vies terrestres ?
Du reste, et cela ne constituera pas le seul apport du culte d’Isis au Christianisme futur, un de ses noms latins est “Stella Maris“, ‘l’étoile de la mer’.
Le culte d’Isis, au temps de la Romanité notamment, constituera un culte à mystère, aux progressions initiatiques mêlant cultes publics et accomplissement intime sinon secret.

De son origine préhistorique, elle conserve une référence forte au taureau sous la forme d’une paire de cornes en forme de lyre. Notons que le taureau est aussi un animal exprimant les Déesses mères tant mésopotamiennes que crétoises, et d’autres Déesses mères jusqu’au fin fin de l’Eurasie.
Le disque solaire placé entre les deux cornes manifeste le mystère conservé du nom secret de Ré obtenu par ruse et force auprès de celui-ci.

Isis et son frère Osiris , après bien des vicissitudes, auront un enfant-Dieu, Horus, à l’aura céleste complète, un de ses yeux étant le Soleil, l’autre la lune.

Je vous laisse relire attentivement l’épisode fratricide fondateur le plus connu, où Isis rassemble un à un les restes éparpillés de son frère Osiris, à travers le monde connu, tué par leur propre frère Seth.
Voir le détail dans le lien bibliographique.

Revenons à notre statuette de poisson. Sa symbolique se réfère aux Déesses les plus bienveillantes et les plus puissantes.
Et nous y retrouvons, Ô combien, le mythe d’Isis et d’Osiris :
Parmi les parties du corps démembrés par Seth le jaloux, la déesse hippopotame Thouéris avala… le pénis d’Osiris, jeté par Seth dans le Nil ;
Elle s’en transforma en ce poisson au long museau dont nous avons une statuette sous les yeux : Oxyrhynque de son nom grec.
Oxyrhynque, cette nouvelle netjeret de la Déesse Thouéris, par son origine et son parcours, devient alors Déesse tutélaire et propitiatoire des accouchements et femmes enceintes.
Notons qu’elle avait rendu le phallus à Isis, lors de la quête de celle-ci pour rassembler les morceaux de son frère et mari, afin de lui redonner vie.

On trouve de nombreuses statuettes votives, et même des fresques et peintures murales qui lui sont consacrées.

Le petit bronze du fonds Étienne Drioton semble bien avoir été réalisé selon la technique de la cire perdue.

Cette statuette est conservée au Musée Municipal de Montgeron.
Ce musée est centré sur le fonds initial de la collection Josèphe Jacquiot.
Cette grande Dame, fondatrice du Musée municipal, fut historienne de l’art, conservatrice du Cabinet des Médailles de la Bibliothèque Nationale.
Josèqhe JACQUIOT, 1910 – 1995, était née à Loches, et mourut à Montgeron.
Au sortir de la libération, cette grande résistante, fut l’une des premières femmes maires en France (1945-1947), et surtout à l’instigation de mesures de rééquilibrage social en faveur des femmes et jeunes filles :
Création du premier lycée mixte de France, d’un restaurant d’enfants, …
Le fonds égyptologique que lui avait légué son cousin, l’égyptologue très renommé et chanoine Étienne Drioton, explique la présence d’un tel objet dans ce Musée communal, à l’ambiance charmante et discrète.

Je vous demande d’analyser les sens subtils et allégoriques lisibles au sein de ce récit faisant appel au Merveilleux, comme toujours dans les textes de Vérités dont on veut assurer le transport à travers les temps et les humains.
Deux pistes vous mènent vers une allégorie des saisons d’une part, et des tâches agricoles sédentaires versus nomades éleveurs d’autre part  ?
À vous de me le dire.
Et vous n’aurez pas fait le tour de la question.

Et je vous propose aussi d’observer les détails signifiants autour d’Isis, que l’on retrouve dans d’autres fonds religieux contemporains, plus anciens, et, évidemment plus récents.

Admirez, savourez, étudiez… et commentez

Amicalement,
Jean-François Martine

 

Bibliographie -assez- rapide :

  1. Oxyrhynque sur le site de Jean-Claude Aime https://www.aime-jeanclaude-free.com/blog/le-fameux-poisson-de-la-legende-osirienne-a-oxyrhynque-el-bahnasa-en-egypte-ancienne.html
  2. Sur une thématique religieuse plus large de l’Égypte ancienne, incluant l’Oxyrhynque, le blogostelle https://blogostelle.blog/2021/01/30/egypte-ancienne-mythe-osiris-isis-horus/- Sur les animaux symboles en Égypte antique http://ancienegypte.fr/animaux_pharaons12/page5.htm
  3. Zoologie, sur le poisson lui-même http://informations-documents.com/environnement/coppermine15x/displayimage.php?album=438&pid=68097
  4. Sur la ville d’Oxyrhynque, par ailleurs célèbres par les nombreux papyrus trouvés https://fr.wikipedia.org/wiki/Oxyrhynque
  5. Sur les trouvailles archéologiques dans cette ancien cité https://www.oxirrinc.com/fr/el-yacimiento/necropolis/
  6. sur les traineaux funéraires égyptiens http://jfbradu.free.fr/egypte/LES%20TOMBEAUX/LES%20HYPOGEES/VALLEE-DES-NOBLES/ramose/ramose5.php3?r1=5&r2=4&r3=0
  7. Concernant l’uræus https://fr.vikidia.org/wiki/Uræus
  8. Collier ousekh https://www.jstor.org/stable/44323238?seq=1
  9. netjer, netjeret, netjerou, netjerout  https://sematankhty.wordpress.com/2009/01/03/le-netjer-les-netjerou/
  10. Davantage sur la Déesse Hathor https://mythologica.fr/egypte/hathor.htm
  11. Davantage sur la Déesse Thouéris https://www.aime-jeanclaude-free.com/blog/thoueris/
  12. Davantage sur la grande Déesse Isis https://mythologica.fr/egypte/isis.htm
  13. et sur la quête mythologique d’Isis https://mythologica.fr/egypte/osiris2.htm
  14. Davantage sur le Dieu Osiris https://mythologica.fr/egypte/osiris.htm
  15. Davantage sur le Dieu Horus https://mythologica.fr/egypte/horus.htm
  16. Davantage sur la Déesse Nout https://mythologica.fr/egypte/nout.htm
  17. Davantage sur le Dieu Rê / Râ https://mythologica.fr/egypte/ra.htm
  18. Davantage sur le Dieu Geb https://mythologica.fr/egypte/geb.htm
  19. Davantage sur le Dieu Seth https://mythologica.fr/egypte/seth.htm
  20. Une proposition trouvée sur l’influence de ce poisson Dieu sur les religions monothéistes à venir https://religionislam.forumpro.fr/t321-l-origine-d-ichtus-loxyrhynque
  21. Sur le Musée municipal Josèphe Jacquiot de Montgeron http://baladeaumusee.e-monsite.com/album-photos/collection/
  22. sur Josèphe Jacquiot https://fr.wikipedia.org/wiki/Josèphe_Jacquiot
  23. sur Étienne Drioton https://cercle-drioton.net/ comme aussi https://sites.google.com/site/biographiedetiennedrioton/

Merci à tous les auteurs des sites cités par la mise à disposition de tant de savoirs, aisément accessibles ! Pour les Dieux et Déesses de l’Égypte antique, je me suis appuyé principalement sur deux sites, https://mythologica.fr/ et https://www.aime-jeanclaude-free.com/ .
Que leurs auteurs en soient particulièrement remerciés.

Nota :
(1) : “… yeux incrustés de rondelles d’argent”. Il s’agit là d’une pratique funéraire antique qu’on retrouve dans l’est du bassin méditerranéen, jusqu’aux premiers siècles de notre ère, consistant à masquer le regard du mor avec une telle rondelle, souvent une pièce de monnaie, comme cela reste visible, par exemple, impressionné sur le tissu du Suaire de Turin.

 

 

 

 

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