Avec mes très bons vœux pour 2023
-je suis bien conscient de la fragilité de ces souhaits, cependant ils marquent un regard bienveillant dont je ne me départirai pas-
je vous présente en ce début d’année une deuxième peinture (en fait un ensemble de peintures) à étudier de plus près :
Nous nous rendons à Venise… pour découvrir les Allégories de Giovanni Bellini, réalisées entre 1490 et 1504, avec son équipier Andrea Previtali, un de ses élèves et un temps membre de son atelier.
5 tableaux. Pour cinq qualités, l’allégorie représentant la mise en image d’un concept, ici éthique.
Notons que Giovanni Bellini réalisera aussi dans ce début de période un tableau plus célèbre encore, l’Allégorie Chrétienne, appelée aussi l’Allégorie sacrée.
Mais il se trouve que cette série d’œuvres est entourée d’un halo d’énigmes sur lesquelles ont buté bien des historiens de l’art. Cette série de Bellini et son atelier n’appartient pas aux peintures les plus célèbres du grand public, mais révèle une importance très réelle.
Saurez vous démêler l’écheveau de cet ensemble, où la 5è peinture se présente selon certains à part des 4 autres ?
Voici les tableaux, en 3 reconstitutions possibles de leurs présentation d’origine, maintenant inconnue :
![]() |
![]() |
![]() |
puis présentés chacun en plus grand format :
1490-1504_Bellini Giovanni_ La Malinconia | 1490-1504_Bellini,_Giovanni_ La Prudence |
![]() |
![]() |
1490-1504_Giovanni_bellini_ La Perseveranza | 1490-1504_Giovanni_bellini_ La Calumnia |
![]() |
![]() |
1490-1504_Previtali Andrea Allegoria Nemesis | |
![]() |
Enfin, vous trouverez l’Allégorie Chrétienne, de Giovanni Bellini, qui leur est contemporaine (1490) :
1490_Bellini Giovanni_ Allégorie Chrétienne |
![]() |
Je n’ai pas encore trouvé de version HD (haute définition) de ces peintures, et c’est un rien embêtant, j’en conviens.
Bons travaux 😉
A) commentaire spontané avant étude
Remarque préliminaire: les noms attribués aux tableaux ne me paraissent pas correspondre aux peintures. certains ont d’ailleurs deux noms, qui me semblent sans rapport (la mélancolie ou la fortune ?)
Analyse par tableau
B) Éléments trouvés ailleurs sur la reconstruction de Michael Hurst (les 4)
Symétrie Haut/bas, et Gauche /droite
Haut/bas
Gauche/Droite
Bertrand Barberon
Les 5 allégories de Giovanni Bellini;(GB)
Remarques générales:
On est d’emblée surpris par la thématique de ces 5 tableaux qui sortent du registre religieux de GB tout au long de sa carrière artistique de peintre vénitien.
Ces 5 panneaux de petite taille peints sur bois sont disposés symétriquement de part et d’autre d’un miroir central l’ensemble faisant partie d’un présentoir vénitien.Ces 5 panneaux sont animés par des personnages statiques ou en mouvement,masculins ou féminin qui nous envoient un message à décrypter sans lien apparent entre les 5 scènes symboliques,mythologiques et morales.
Le trait commun est la présence d’un paysage lointain fantasmé qui confirme que le message s’adresse bien à l’humanité avec des allégories qui prètent à différentes interprétations.
Le 1er panneau: la némésis semble plus facile à interpréter:Une femme ailée ,aux yeux bandés,à la chevelure flottante debout sur 2 pattes de lion tient une cruche dans chacune de ses mains;
Il peut s’agir de l’allégorie du destin distribué aveuglément(bandeau) la justice(cruches) étant là pour équilibrer le bon et le mauvais sort.Le paysage sombre en fond de tableau contraste avec la luminosité des 4 autres ce qui a fait douter de l’attribution de ce tableau à GB;
Le 2 ème tableau au miroir est beaucoup plus ambigu: Une femme nue debout sur un piédestal,le regard baissé nous montre avec sa main gauche un portrait sombre en médaillon mystérieux.Elle est entourée de 3 putti musiciens symbolisant la fuite du temps passé ,présent,futur matérialisé par les instruments de musique en action ou au repos.Le piédestal est orné d’un bucane symbole sacrificiel dont la femme serait la future victime?
Le 3ème tableau intitulé la mélancolie représente une belle femme assise dans une barque appuyant sa main sur une sphère bleue entourée de nombreux putti dont l’un l’aide à soutenir la sphère.Un putti joyeux joue de la flûte à distance de la femme.2 autres au regard inquiet s’agrippent à elle.
Le paysage lacustre à l’arrière est entouré de montagnes et d’un fragment de château représentant le monde des hommes dans son environnement.
On peux évoquer une divinité s’interrogeant sur le le monde des hommes?
Le 4 ème tableau représente 2 hommes en marche nus se dévisageant mutuellement;L’un à l’allure guerrière regarde une coupe de fruits que l’autre lui tends juché sur un char tiré par des putti.L’homme tenté va t il succombé ou échapper à la tentation? Message ambigu entre le péché et la vertu.
Le 5 ème et dernier tableau est une allégorie de la punition du mensonge symbolisé par le coquillage et le serpent qui mord l’homme coupable qui va être exclu de la cité visualisée en arrière fond
.
En conclusion:les 5 thèmes évoqués par GB ne sont pas religieux mais à portée morale et philosophique dans un décor fantasmé et antiquisant.On s’interroge sur le commanditaire de ce travail qui met l’accent sur le destin,la mise en garde de l’homme ,sur les embûches qui l’attendent dans son parcours mais il ne nous donne pas la solution pour échapper à ces vicissitudes
Cette fois, je me trouve face à des tableaux que je ne connais pas. Ma première sensation, liée à la notion d’ « allégorie », plutôt complexe à aborder, est l’incompréhension. Je vois des personnages, très bien dessinés, aux traits très fins, agréables à l’œil. Les situations présentées ne sont pas naturelles et forcément ont besoin d’explications pour être comprises. Au premier regard, je me suis dit « tiens on dirait des Botticelli ». Cette vision sans doute est liée à la jeune femme aux cheveux frisés blond vénitien. Elle ressemble étrangement à la Vénus du maître florentin.
Il n’y a pas de lien avéré entre Bellini et Botticelli. Ils vivaient à la même époque, l’un à Venise, l’autre à Florence, sans échange entre eux.
Giovanni Bellini (1430-1516) travaillait dans l’atelier de son père Jacopo, avec son frère Gentile et son beau-frère Andréa Mantegna. L’influence de Mantegna, originaire de Padoue, qui a travaillé essentiellement à Mantoue, sur Giovanni Bellini est reconnue. Mantegna, lui, a été très inspiré par Filippo Lippi, Paolo Uccello et le sculpteur Donatello.
Sandro Botticelli (1444-1510) est un élève de Filippo Lippi.
Les Allégories de Bellini sont des petits tableaux (32×22), peints à l’huile sur du bois. Cette technique amène des traits précis et des couleurs peu tranchées. On pense que les quatre panneaux étaient intégrés dans un « restello », précieux présentoir vénitien en bois de noisetier organisé autour d’un miroir circulaire.
Le positionnement proposé des quatre premiers tableaux est logique : les personnages des deux tableaux de gauche regardent vers la droite, ceux des tableaux de droite regardent vers la gauche. Les deux tableaux du haut présentent une forme ronde (la terre, le miroir), les deux tableaux du bas présentent des scènes à caractère mythologique. Les deux tableaux du haut présentent des personnages féminins, ceux du bas des personnages masculins.
Le cinquième tableau proposé, de Andréa Previtali, ne semble pas avoir de lien avec les quatre autres.
Le principe de l’allégorie est de traduire sous forme imagée un concept, une idée complexe : l’envie, les vices et les vertus, la chasteté, la justice etc… Les quatre panneaux de Bellini sont porteurs de concepts différents selon les historiens qui les ont analysés. Je reprends les titres proposés dans l’ordre de présentation : La mélancolie, La prudence, La persévérance, La calomnie.
La Mélancolie – (Allegoria della Malinconia o della Fortuna) Également appelé La Fortune ou l’Inconstance.
Dans un paysage dénudé, coule une rivière agitée, sur laquelle se trouve un bateau soutenu par des putti. Sur cette barque instable, une femme très belle tient une sphère bleue (miroir, la terre, le cosmos ?). D’autres putti sont sur la barque qui semble se diriger vers une forteresse.
La Prudence (Allegoria della Vanità) – Également appelé La Vanité.
Debout sur un piédestal en forme de tambour, une femme nue présente un miroir dans lequel se reflète un visage (le diable ?). Selon l’interprétation d’Hartlaub, les putti représentent l’idée des trois temps : le passé (celui de droite), le présent (celui du centre, nu), et l’avenir (celui de gauche).
La Persévérence (Allegoria della Virtù Eroica) – Également appelé La luxure ou la Vertu récompensée.
Debout sur un char, tiré par des putti, Bacchus présente une corbeille de fruits à un guerrier vertueux. Le guerrier continue d’avancer en regardant ce qu’on lui offre.
La Calomnie – Également appelé Le mensonge, la Sagesse ou la Fausseté punie.
Ce tableau montre un homme qui sort d’un coquillage (symbole du mensonge). Armé d’un serpent (la calomnie), il agresse un autre homme qui semble être un ermite (la sagesse). Un troisième homme soutient le coquillage. Au fond se trouve une ville entourée de murs.
L’ermite se trouve sur un piédestal sur lequel on trouve la signature de Bellini.
Le serpent est retourné vers l’homme symbolisant le mensonge (pour le punir ?).
Le cinquième tableau Allegoria Nemesis – Également appelé Allégorie de la Fortune – Mostro alato con volto di donna (la Fortuna bendata in bilico su due sfere) Monstre ailé avec un visage de femme (la Fortune, les yeux bandés, en équilibre instable sur deux sphères).
Ce tableau est plus petit que les autres et très différent.
L’arrière du tableau présente un paysage de montagne, avec une rivière calme et quelques maisons.
Le personnage central représente une femme, avec les yeux bandés, des ailes colorées, un corps d’oiseau, des pattes de félin posées sur deux sphères dorées. Elle tient à la main deux vases également dorés.
Selon l’interprétation d’Howard Oakley :
Ces cinq tableaux, intéressants à étudier, sont, pour l’observateur non informé, très difficiles à interpréter. Peut-être devrions nous seulement nous contenter de leur esthétique, de leur beauté. On devrait les présenter, comme à l’origine, sur un meuble de toilette vénitien avec un beau miroir ancien de Murano.